1. e)   Ibitekerezo by’Abami = L’Histoire des Rois

12.Ce genre littéraire se compose de Récits concernant Gihanga, le fondateur officiel et certainement supposé de la Dynastie des Ba-tiviginya. Ses 10 successeurs, appelés Rois de la Ceinture (c.à.d. de la peine, qui se sont attelés à la formation initiale du Rwanda) ne sont l’objet d’aucun récit. Les Récits ne reprennent leur cours qu’à partir de Ruganzu I Bwimba, 1 1 ème après Gihanga, pour continuer jusqu’à notre époque, soit durant 18 générations.

Les Récits sont oeuvre des Mémorialistes de la Cour. Dans notre la Notion de génération p. 31-34, nous avons décrit la formation de ces Récits, qui sont en prose jusqu’à Cyilima II Rujugiia. A partir de ce monarque, ils prirent une forme poétique et devinrent le genre guerrier héroïque : nous en avons donné des modèles dans notre Introduction aux genres lyriques p. 56-88.

13.Rassurons dès l’abord le Lecteur que nous n’avons pas pris au pied de la lettre le titre de Histoire des Rois. Il s’agit en réalité d’un genre littéraire comme les autres, soumis à ses principes d’interprétation. Pour le Mémorialiste qui nous le transmet, ce ne sont pas les termes du Récit qui importent, car le poème ne doit pas être retenu mot à mot. Il ne retient que les idées centrales sur lesquelles porte le récit. Il n’est même pas obligé de reprendre les mê-mes termes dans la déclamation suivante. Les auditeurs en font autant : ils retiennent seulement les idées centrales qu’ils développent dans leurs propres termes. Ils ne doivent retenir par coeur,  dans les poèmes Héroïques, — que les Odes lyriques qui y auront été insérés, car ils ne peuvent, eux, être déclamés qu’en respectant le texte de leur composition.

14.Est-ce à dire cependant que ces idées centrales du- Récit sont toutes à prendre pour argent comptant ? Evidemment non. Si les ter-mes du Récit sont facultatifs, rien n’empêche que certaines idées centrales aient été ajoutées- au cours des générations pour ampli-fier davantage le Récit. Celui-ci ne vaut donc que pris globalement. Dans notre présente rédaction, qui est un Abrégé, nous nous sommes limité aux idées du Récit confirmées soit par les poèmes Dynastiques, soit par une autre tradition de celles que nous avons appelées vitales. En ce qui concerne le Récit sur Gihanga, nous avons retenu les idées étayées par le Code-Cérémonial ésotérique = U-bwiru, qui est un ensemble de traditions vitales par excellence.

En conclusion : les Récits, malgré leur titre de Histoire des Rois, ne sont pas de l’Histoire. C’est un genre littéraire à traiter comme tel où l’on peut glaner des indications historiques an moyen de recoupages nécessaires. Leurs textes seront publiés en un Corpus parallèle à ceux des autres genres littéraires. Nous traiterons différemment les Récits des Règnes plus proches de nous, dont nos informateurs directs ou leurs pères ont été les témoins oculaires.

  1. f) Ibitekerezo by’Imilyango= Histoire des Familles

15.Au cours de nos recherches, nous avons découvert une autre Source d’Histoire Rwandaise qui, jusqu’à présent, n’avait pas été cataloguée comme telle. A partir des noms de personnes citées à travers nos traditions de tout ordre, surtout guerrières, nous nous sommes attelé à la constitution de leurs généalogies aussi bien ascendantes que descendantes jusqu’à notre époque. ‘Les résultats, — encore incomplets puisque nous ‘continuons encore la tâche, — ont abouti à un Corpus que nous avons intitulé Les Familles Historiques du Rwanda. Certains membres de l’arbre généalogique ont été retenus avec leur petite Histoire : on sait que ledit vivait sous tel monarque, qu’il appartenait à telle Compagnie de telle Mi-lice, qu’il a péri dans une expédition à l’étranger sous le commandement de tel Chef, etc. Parfois tel personnage est arrivé au Rwanda sous tel monarque et ses ascendants figurant sur l’arbre généalogique n’ont jamais été Rwandais : ils vivaient au Burundi, au Ndorwa, etc. Pour tel autre, ses descendants vous déclament son poème guerrier que vous n’auriez pu apprendre autrement.

Le plan initial, qui ne concernait que les personnes citées dans les différentes Sources transmises par les Mémorialistes, a été élargi et doit comprendre tout groupe Rwandais ayant joué un rôle, mê-me local, dans son petit coin. Il y a là un instrument précieux de recoupage, dont chacun comprend l’importance. Nous nous en sommes servi dans la présente rédaction, après y avoir largement puisé la matière de nos deux monographies sur les Milices du Rwanda précolonial et l’Histoire des Armées-Bovines dans l’ancien Rwanda.

  1. Tout ce que nous venons de résumer en cette Introduction a été déjà présenté en tête de la Notion de génération où l’on peut lire en p. 34-42 les autres titres qu’il serait superflu de reprendre ici. Nous avons voulu en donner en quelque sorte des specimens en tête de la présente étude, pour rappeler, une fois de plus, la pers-pective de notre méthode et permettre au Lecteur d’en juger, en connaissance de cause, Ia mise en acte basée sur l’interprétation d’une documentation abondante et variée.